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Comment expliquer que dans les Andes boliviennes, les petits producteurs manquent d’eau pour cultiver leurs champs alors que le pays possède une importante réserve d’eau douce ?
Entre les plateaux semi-arides des Andes et les plaines amazoniennes humides, l’eau est répartie inégalement sur le territoire bolivien. La multiplication des phénomènes climatiques extrêmes a creusé ce déséquilibre. Le courant chaud El Niño a, par exemple, provoqué en 2016 une sécheresse dévastatrice dans la région de l’Altiplano tandis qu’il a causé des inondations hors normes dans la partie amazonienne.
Malgré cette forte variabilité de la météo, les scientifiques de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) ont observé une diminution globale des pluies sur l’ensemble du pays. Ce phénomène a eu des répercussions néfastes sur les réserves d’eau du pays. À titre d’exemple, le deuxième plus grand lac de Bolivie, le lac Poopó, s’est ainsi retrouvé totalement asséché en 2015. Or, sans eau, la culture de la terre est impossible. Pour les petits producteurs, la crise climatique est étroitement liée à une crise de l’eau.
Le facteur climatique n’explique pas à lui seul la pénurie d’eau. La mauvaise gestion est également en cause. Le gouvernement néolibéral d’Hugo Banzer a longtemps considéré l’eau comme un produit marchand. En 1999, avec l’appui de la Banque Mondiale, il a permis à la société Aguas del Tunari d’acquérir le monopole de la gestion des eaux à Cochabamba, troisième ville du pays. Les tarifs ont augmenté de 30 % à 300 % sans aucune amélioration du service [1]. L’exploitation a aussi interdit aux paysans d’utiliser leurs propres systèmes d’irrigation. Cette privatisation injuste a déclenché une « guerre de l’eau ». La révolte des citoyens a contraint le gouvernement à retirer les concessions de l’entreprise. En 2005, un mouvement similaire a expulsé la compagnie Agua del Illimani de La Paz-El Alto.
76% de la population rurale bolivienne dispose d’un accès à l’eau depuis 2015 mais le secteur agricole ne peut utiliser l’eau de ces infrastructures sous peine d’amendes considérables.
En prônant l’eau comme un bien public, Evo Morales et son parti (Mouvement vers le Socialisme -MAS), ont remporté le pouvoir en 2005. Les paysans ont vu dans cette élection le signe d’un futur prometteur. L’accès à l’eau est devenu un droit fondamental inscrit dans la nouvelle Constitution de 2009. De plus, un ministère de l’eau fut instauré pour garantir sa distribution équitable. Grâce à ces investissements publics, 76 % de la population rurale bolivienne dispose en 2015 d’un accès à l’eau potable contre seulement 40 % en 1990 [2].
Néanmoins, les petits producteurs ne peuvent utiliser l’eau de ces nouvelles infrastructures pour irriguer leurs champs, au risque d’être dénoncés et de payer des amendes considérables. Ainsi, l’accès à l’eau reste fragile, particulièrement pour ceux qui sont les plus touchés par la diminution des précipitations. De plus, la politique extractive du gouvernement permet aux exploitations minières de s’emparer d’une part importante des ressources en eau et a pour conséquence une plus grande pollution des rivières. Cet accaparement contraint les paysans dans l’impossibilité de vivre de leur culture à se tourner vers les villes. La mauvaise gestion de l’État participe ainsi à l’exode rural et au gonflement des bidonvilles.
Bien qu’il soit difficile d’inverser le changement climatique, il est toutefois possible de s’y adapter. Ainsi, l’organisation AGRECOL, partenaire de SOS Faim, familiarise les petits producteurs à l’agroécologie pour favoriser une culture durable et respectueuse de l’environnement, garantissant la sécurité alimentaire tout en régulant la consommation d’eau.
Qui dit meilleure gestion dit aussi économie d’eau. CIUDADANIA, avec l’appui de SOS Faim, donne des formations pour renforcer la capacité des agriculteurs à mieux gérer le peu de ressources en eau dont ils disposent, et finance notamment des microprojets d’irrigation au goutte-à- goutte.
Les comportements des citoyens ne peuvent porter leurs fruits sans un soutien du gouvernement. C’est pourquoi ces deux associations appuient les organisations paysannes dans leurs actions de plaidoyer afin que les politiques publiques favorisent l’accès à l’eau pour l’agriculture familiale plutôt que pour les grandes entreprises extractivistes.
Rédaction : Léa Gros, bénévole
[1] : M. Bertelli, « La guerra interminable: 15 años de lucha por el agua en Bolivia », El Diaro, 30 juillet 2015 [2] : Métadonnées de la Banque Mondiale, « Source d’eau améliorée, en milieu rural (% de la population rurale y ayant accès) »
Cet article est tiré du Supporterres n°3 de mars 2018 « Le Pachamama dans tous ses Etats ». Pour en savoir plus sur nos partenaires et bénéficiaires boliviens, découvrez le numéro complet.