RDCongo : une agriculture urbaine vitale mais non reconnue
Depuis une quinzaine d’années, l’agriculture urbaine (AU) connaît une expansion impressionnante en République Démocratique du Congo (RDC). Différents éléments sont à l’origine de ce développement. Nous avons rencontré Justin Kangwenyenye, directeur financier du CENADEP (Centre d’Appui au Développement et à la Participation Populaire), partenaire de SOS Faim, pour faire la lumière sur l’état général de ce secteur.
Parmi les raisons de l’essor de l’agriculture urbaine en RDC, on peut compter la croissance continue de la population urbaine, résultat d’un exode rural toujours en marche. Que ce soit en quête d’une meilleure situation sociale et économique ou de plus de sécurité suite aux crises successives qui frappent l’est du pays, l’exode rural est devenu un enjeu pour les villes congolaises. La demande en approvisionnement alimentaire ne cesse de croître, de même que le taux de chômage et de pauvreté.
L’agriculture urbaine comme moyen de résilience pour des populations précarisées
L’AU s’est donc présentée comme une solution alternative à ces défis. Elle met à profit un savoir-faire agricole, dont les ruraux sont les porteurs. Elle consiste principalement en une production maraichère mais aussi, dans une moindre mesure, à l’élevage de petit bétail et à la pêche. L’AU donne un accès direct aux aliments et constitue une source de revenus, souvent non négligeable, pour les personnes précarisées (principalement les jeunes et les femmes).
Une alternative efficace mais qui fait face à des obstacles majeurs
L’AU est très populaire auprès des consommateurs des villes congolaises. La FAO (Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture) la considère même comme une des clés de la sécurité alimentaire des villes. Elle soutient depuis 2000 différents projets d’AU dans cinq grandes villes de la RDC : Kinshasa, Lubumbashi, Kisangani, Mbanza-Ngungu et Likasi. Malheureusement, d’autres paramètres freinent son développement.
Le principal frein est sans doute, comme dans de nombreux pays en développement, le manque de reconnaissance des autorités publiques. L’absence d’un soutien institutionnel approprié à l’AU contribue à la maintenir comme une activité informelle en marge de l’économie. Ce manque de reconnaissance entraîne une série de spoliations face auxquelles les agriculteurs urbains sont démunis. Par exemple, il peut arriver que des terrains utilisés pour l’AU soient réquisitionnés par l’État pour des raisons d’utilité publique, sans que les producteurs ne puissent être dédommagés.
Aussi, les producteurs ne reçoivent aucune aide de l’État en termes d’espaces d’exploitation, d’approvisionnement en eau, d’appui technique (outils, semences, irrigation…) ou d’accès au marché. Pour ces raisons, leurs coûts de production restent assez élevés. En conséquence, l’AU souffre de la compétition féroce des produits importés, en particulier dans le secteur de l’élevage et de la pêche.
Booster l’agriculture urbaine, un projet à portée de main
Pour donner un aperçu du potentiel que constitue l’AU, l’organisation de microfinance FINCA a constaté en 2011 un taux de remboursement des crédits aux agriculteurs urbains proche de 100%. Cela s’explique par un dégagement de bénéfices allant de 200 à 300% ! C’est donc une activité lucrative, qui a même aidé à financer les études de certains jeunes.
Il existe de nombreux réseaux qui travaillent en soutien à l’AU. Les résultats de leurs efforts sont visibles. Ils travaillent notamment sur les questions de plaidoyer (pour une meilleure protection juridique), d’approvisionnement des agriculteurs, de commercialisation des produits et de sensibilisation à une consommation locale. À Kinshasa par exemple, ces réseaux sont fédérés depuis avril 2015 au sein du ROPAFKI (Réseau des organisations de producteurs agricoles familiaux de Kinshasa) pour faciliter une meilleure coordination de leurs programmes. Mais leur marge de manœuvre reste encore limitée et elles ont besoin de la reconnaissance et du soutien des autorités pour véritablement faire de cette activité de survie un domaine professionnel viable sur le long terme.
Jasmine Ingabire, bénévole