L’eau en Bolivie : entre réchauffement climatique et…
[ARTICLE] Supporterres Mars 2018 - Comment expliquer que dans les Andes boliviennes, les petits producteurs manquent d'eau pour cultiver leurs champs alors que le pays…
De l’avis partagé des négociateurs à la COP 21, la Conférence pour le Climat qui s’est tenue à Paris est un succès. Les 196 pays autour de la table ont validé un texte sous la forme d’une convention qui reconnaît de façon unanime les changements climatiques et la nécessité de limiter l’augmentation de température bien en dessous des 2°.
La Convention va même plus loin et se montre ambitieuse par certains côtés :
En effet, elle s’engage peu voir pas du tout sur les modalités concrètes qui permettront la réalisation de ces louables objectifs.
D’abord parce qu’elle se repose sur les contributions individuelles proposées par les pays. Or, l’addition de ces engagements, même s’ils sont respectés, ne permettra pas d’atteindre l’objectif de limiter l’augmentation à 2°.
Ensuite et surtout, les négociateurs de Paris ont volontairement nié les causes des changements climatiques. Il aurait fallu questionner notre système néolibéral, le credo du modèle consumériste et de commerce international. Bref, faire des choix de société sur la production, la consommation, le partage des ressources, le mode d’organisation des échanges, etc. Or, toutes ces questions n’ont volontairement pas été tranchées … et le « business as usual » reste de mise.
Les dimensions humaines des changements climatiques sont pratiquement absentes du texte final. Quant à la question de la sécurité alimentaire, et plus généralement celle des droits de l’homme, il y est seulement fait allusion dans le préambule de l’accord.
Enfin, le secteur agricole, malgré son importance dans le dossier climat, n’a toujours pas fait l’objet de réflexions et de décisions concrètes dans les négociations.
L’agriculture est à la fois acteur des changements climatiques (le secteur émet entre 13% et 26 % des émissions de gaz à effet de serre), victime (les paysans du Sud sont les premières victimes des changements climatiques ) mais aussi possible sauveur (l’agroécologie permet de conserver les stocks de carbone et de limiter les émissions). Mettre l’agriculture au cœur des négociations climatiques est d’ailleurs une revendication des organisations paysannes du Sud (Voir à ce titre le document de plaidoyer de l’Assemblée Parlementaire Paritaire).
Les producteurs agricoles, particulièrement dans les pays du Sud, pourraient bien pâtir de l’accord de Paris, et voir leurs terres et forêts spoliées pour permettre aux grands pollueurs de continuer à polluer. Le texte a volontairement laissé de côté les termes qui fâchent tels que ‘marché du carbone’ ou ‘net zero emission’, que la société civile dénonce preuve à l’appui, depuis des années, comme autant d’invitation à la multiplication des accaparements de terres.
Mais, le maquillage des mots ne trompe pas : fixer comme ambition de « parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre au cours de la deuxième moitié du siècle » (cfr. article 4 de la Convention de Paris), c’est forcément miser sur une large utilisation des sols et de la biomasse, et donc menacer l’utilisation des ressources naturelles par et pour les populations rurales. Ce n’est pas dans nos pays densément peuplés du Nord, que de tels puits de carbone verront le jour, mais dans les vastes pays du Sud, là où les agriculteurs, pasteurs et éleveurs sont déjà les plus touchés par les changements climatiques.
Dans les mois et les années qui viennent, un travail de plaidoyer important sera nécessaire pour préciser le contenu de l’accord, fixer des limites, colmater les failles, etc.
En novembre 2016, la COP 22 se tiendra au Maroc. Il est prévu qu’à cette occasion l’agriculture soit une thématique à part entière. Cette nouvelle échéance constituera un enjeu majeur. Une opportunité, mais également un risque qu’à la table les défenseurs d’un modèle agricole de type « agrobusiness » prennent le pas sur les tenants de l’agroécologie et les pratiques paysannes.
Virginie Pissoort, Responsable Campagne & Plaidoyer