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• 15 janvier 2015

Il est difficile de définir la dimension sociale de l’agroécologie. Elle est cependant inhérente au concept et sans elle le débat sur les modèles d’agriculture serait incomplet. En effet, un focus limité aux aspects techniques de l’agriculture évince le problème capital : la non-durabilité du système agricole et l’injustice sociale inhérente au modèle dominant. L’agroécologie n’est pas seulement un sujet de recherche mais une modalité d’action.

Rassemblement du Mouvement des Sans Terre au Brésil en février 2014

Rassemblement du Mouvement des Sans Terre au Brésil en février 2014

Mouvements de résistance en Amérique latine

En Amérique latine, on observe une montée des mouvements de résistance face à l’industrialisation de l’agriculture. Le Mouvement des Sans Terre (MST) au Brésil et la Via Campesina au niveau international comptent parmi les plus emblématiques. Ceux-ci naissent des luttes paysannes qui réclament une réforme agraire et la reconnaissance des droits des indigènes.

Ces mouvements se placent dans une perspective historique et sont l’expression d’une critique sociale des régimes politiques et oligarchies économiques. Ces derniers, appuyés par les institutions financières internationales comme le FMI et la BM, ont fait du continent un laboratoire du néolibéralisme dans les décennies ’80 et surtout ’90. Une expérience aux conséquences dramatiques : généralisation de la pauvreté, des inégalités sociales et de l’exclusion de la citoyenneté.

L’agroécologie se développe à contrecourant et revendique une autonomie par rapport à l’économie de marché globalisée et découplée du contexte écologique et socioculturel local. C’est une lutte contre la paupérisation des agriculteurs qui prône un autre modèle de développement au cœur duquel se place la souveraineté alimentaire, les savoirs paysans et la justice sociale.

Agroécologie au Burkina FasoEn Afrique : cohabitation de deux modèles

Les revendications portées en Amérique latine ne sont pas étrangères aux paysans africains. Mais les luttes paysannes portent davantage sur la sécurité alimentaire que sur le modèle agricole à soutenir pour atteindre cet objectif. En effet, la lutte contre la pauvreté rurale reste un défi majeur pour les politiques publiques. À ce défi, s’ajoute le besoin de reconnaître les enjeux environnementaux et le rôle capital du secteur agricole pour la stabilité sociale (démocratie, lutte contre l’exode rural, …).

Les politiques en sont encore au stade du choix : miser sur le développement de l’agriculture familiale qui fait ses preuves en termes de capacité d’adaptation et d’efficience ou miser sur les exploitations compétitives sur le plan international ? Ici, comme partout ailleurs, un tel changement de posture ne sera possible qu’en présence de politiques publiques incitatives et d’accompagnement.

Renforcement du lien producteur-consommateur en Europe

En Europe, l’agroécologie se situe plutôt dans un débat technico-productif où la question de la capacité de production semble occuper une place centrale. Les revendications portées au Sud trouvent écho dans des initiatives citoyennes. Ainsi, les groupes d’achats communs et solidaires, les marchés locaux, les bourses aux graines ou encore les réseaux de soutien de l’agriculture paysanne dessinent un mouvement de gouvernance des systèmes alimentaires via une co-gestion entre producteurs et consommateurs. Sans être étiquetées comme « agroécologiques », ces initiatives citoyennes se joignent au mouvement par le partage de valeurs en faveur d’une agriculture paysanne soucieuse de savoir qui produit quoi, comment et pour qui.

De simples réformes locales ou une révolution ?

L’agroécologie se positionne ainsi comme une alternative. Pour les mouvements sociaux, elle est avant tout un engagement politique : il s’agit d’investir une voie alternative au modèle agroalimentaire dominant en modifiant les facteurs structurels et économiques.

Néanmoins, ces mouvements sont encore minoritaires. Tant au Nord qu’au Sud, l’agroécologie ne pourra pas révolutionner le système agroalimentaire actuel. De vraies politiques agricoles et de fortes actions communautaires sont nécessaires. Comment intégrer la pensée agroécologique dans le processus de prise de décision ? Tel est le défi à relever pour faire de l’alternative d’aujourd’hui, le conventionnel de demain.

Nevena Nikolova, bénévole

Lire sur le sujet :

L’agroécologie : à la croisée des chemins – Dajaloo 42

L’agroécologie, une solution? – Défis Sud 103

Agroécologie, où en est-on? – Bulletin de synthèse souveraineté alimentaire n°2

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