Les systèmes agroforestiers comme alternative engagée dans une…
[ARTICLE] Supporterres Mars 2018 - Après deux heures de route sur piste et au milieu des forêts tropicales humides des yungas, nous arrivons à la…
Du Nord au Sud, de la fourche à la fourchette, une variété d’acteurs se mobilisent pour faire vivre la diversité dans nos champs et dans nos assiettes, convaincus qu’elle est la solution aux défis alimentaires et climatiques de notre temps : allons à leur rencontre.
Edgar ALANOCA
Ingénieur agronome au sein de l’AOPEB (Association des Organisations de Producteurs Ecologiques de Bolivie).
Il prône la biodiversité comme levier de prospérité.
La biodiversité, c’est la variété d’espèces végétales et animales dans une zone donnée. Sa mesure prend en compte trois aspects : le nombre d’espèces dans une zone donnée, leur abondance relative et leur degré de différenciation. La biodiversité est cruciale pour la prospérité économique et le bien-être humain : les écosystèmes biodiversifiés peuvent contribuer à atténuer l’impact de catastrophes naturelles telles que les inondations et la sécheresse.
Le mal
La Bolivie est l’un des pays les plus riches en biodiversité au monde, mais cette richesse est menacée par la destruction des écosystèmes et la surexploitation de certaines espèces dont certaines sont « endémiques » car elles n’existent que sur le territoire national.
En transformant les jungles, les forêts, les prairies et les mangroves en champs agricoles, en routes ou en zones urbaines, nous détruisons l’habitat de milliers d’espèces. L’agriculture intensive, avec l’utilisation de produits agrochimiques et la déforestation, constitue la plus grande menace.
Le remède
Les écosystèmes se rétablissent d’eux-mêmes lorsqu’il n’y a pas de facteurs de stress ou d’obstacles à la régénération, un processus connu sous le nom de restauration passive.
L’agriculture familiale, qui perpétue les connaissances ancestrales d’une agriculture respectueuse de la nature et qui conserve la diversité génétique des cultures indigènes, favorise la conservation de la biodiversité agricole et une alimentation saine grâce à un système de production écologique.
L’agroécologie fournit la base écologique pour la conservation de la biodiversité en agriculture et la base scientifique pour gérer la production dans un agroécosystème biodiversifié capable de maintenir son propre fonctionnement, ce qui implique des changements institutionnels et politiques majeurs.
Louise BALFROID
Référente Gouvernance alimentaire de la Ceinture Aliment-Terre Liégeoise.
Elle invite à une pluralité de voix autour de l’alimentation durable.
La Ceinture Aliment-Terre Liégeoise naît suite à un mouvement citoyen, « Liège en Transition », qui avait réuni beaucoup de gens désireux de changer les choses. On teste des solutions innovantes et, si elles fonctionnent, on essaie de les diffuser.
Une diversité d’acteurs
La Ville de Liège possède énormément de terres agricoles non exploitées. Par le projet pilote « CreaFarm » on a poussé la ville à les mettre en culture et engager deux maraîchers. La production est écoulée dans un magasin coopératif qui s’appelle Les Petits Producteurs : on a réussi avec des acteurs divers à créer un projet qui fait vraiment sens. On voit qu’ailleurs en Wallonie des projets CreaFarm se mettent en place, à Tournai notamment. Il y a énormément de choses qui peuvent être possibles grâce à la coopération. Chacun porte en soi une partie de la solution.
Une diversité d’actions
On encadre aussi des coopératives, notamment l’IsoSL, l’intercommunale qui fait les repas de toutes les écoles de la ville de Liège : on essaye de les accompagner dans la définition de leur politique d’alimentation durable. Ils vont maintenant changer leur marché public pour avoir des produits locaux et bio.
On fait aussi beaucoup de sensibilisation : pour que l’offre en produits agricoles bio puisse être écoulée, il faut une demande importante. C’est notamment via le festival Nourrir Liège qu’on arrive à dynamiser cet écosystème autour de l’alimentation durable : par des ciné-débats, des visites d’exploitations agricoles et des ateliers culinaires.
Une diversité de publics
Inspiré de Nourrir Liège, qui a 6 ans maintenant, la première édition du festival Nourrir Bruxelles va avoir lieu en septembre : la Ceinture Aliment-Terre Liégeoise arrive à inspirer d’autres territoires aussi.
Ulderico QUISPE
Agriculteur des hauts plateaux andins.
Il vante les vertus des variétés ancestrales de pommes de terre.
La pomme de terre indigène
Je suis un petit agriculteur de la communauté paysanne de Huancayo. Ma communauté possède un sol cultivé à une altitude de 3600-3700 m où nous cultivons nos pommes de terre indigènes, bien qu’en moindre quantité.
Dans les communautés de plus haute altitude, les terres sont plus fertiles. Ces sols regorgent de microorganismes et n’ont pas besoin d’engrais : la pomme de terre indigène est naturellement résistante à tout ravageur ou maladie. Je travaille depuis des années des variétés de pommes de terre telles que Matillo, Olones, Ticaboli, Compis, Pacucha Senca, qui s’adaptent très bien à ces endroits.
La pomme de terre hybride
Nos pommes de terre indigènes sont de plus en plus remplacées par des pommes de terre hybrides, introduites dans le pays surtout pour leur rentabilité mais qui sont plus sensibles à tout changement climatique. C’est pourquoi la quasi-totalité de notre production de pommes de terre indigène est destinée à l’autoconsommation, tandis que l’hybride est destinée au marché.
Les agriculteurs donnent la priorité à ce type de pomme de terre au détriment de celle indigène, qui est celle qui vient de nos ancêtres et est dix fois meilleure. Mais beaucoup de gens me rendent visite pour essayer notre pomme de terre indigène : ils disent qu’elle est plus riche, plus savoureuse et plus granuleuse.
Les pommes de terre que l’État importe ne sont ni saines ni biologiques, elles sont à 90% chimiques. Et cela nous affecte aussi économiquement car, de nos jours, notre pomme de terre n’a aucune valeur alors que celle qui vient de l’extérieur a un coût. Les prix doivent descendre très bas et, à un moment, ça ne vaut pas la peine de vendre à un prix aussi bas.
Rédactrice : Dieyenaba Faye