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Définir et construire une agriculture durable à travers les Systèmes Participatifs de Garantie

Bolivie • Agriculture familiale • 28 juin 2021

Aujourd’hui, la réalité quotidienne et les préoccupations des producteur.trice.s et des consommateur.trice.s sont souvent très différentes, même quand ils partagent des intérêts communs sur la durabilité de l’agriculture. Comment, alors, faire un lien qui soit capable de réconcilier ces besoins ? Les systèmes participatifs de garantie (SPG) peuvent être une solution très intéressante à cette question.

Ils permettent en effet de certifier la qualité et la durabilité des pratiques agricoles. Comment ? Pour l’IFOAM, un SPG est basé sur « une participation active des acteurs concernés sur une base de confiance et d’échanges » : ce que le système garantit est défini par ses propres acteurs, selon les conditions et les besoins locaux, à travers un processus participatif.

LA NAISSANCE D’UN SPG : RECREER DU LIEN POUR VALORISER L’AGRICULTURE DURABLE 

Prenons l’exemple de la Bolivie : depuis 2009, l’AOPEB (Association des organisations de producteurs écologiques de Bolivie) a mis en place un SPG agroécologique. Dans un contexte où les certifications écologiques ne touchent que les produits dédiés à l’exportation, « le SPG certifie la durabilité de toute la ferme des petits producteurs, afin de faire connaître la valeur de leurs pratiques sur les marchés locaux », explique Edgar Alanoca, chargé de projet à l’AOPEB. « Le but est de promouvoir un rapprochement entre producteurs et consommateurs à travers un processus de confiance, de transparence et de soutien ». La reconnaissance des produits écologiques par les grandes entreprises permet certainement une visibilité des questions durables « mais il manque la dimension de la souveraineté », ce que permet le SPG.

En Europe, les besoins initiaux ont des nuances différentes. Mathilde Roda, coordinatrice du label des producteurs bio Nature & Progrès (N&P), raconte la longue histoire de ce label : « Il est né à une époque où il n’y avait rien qui officialisait l’agriculture biologique. C’est un mouvement citoyen qui a voulu mettre en lien les agriculteur.trice.s, les consommateur.trice.s et les agronomes. L’ancêtre du SPG de N&P a été lancé en Belgique en 1976 (1964 en France) et il a ensuite inspiré la certification AB (Agriculture Biologique) de l’Union Européenne. »  Regroupant six agriculteurs à sa naissance, il compte aujourd’hui près de 70 producteur.trice.s et transformateur.trice.s.

Pour Serge Peereboom, paysan maraîcher de la ferme Arc-en-Ciel dans la province belge de Luxembourg, la création d’un SPG agroécologique au sein du MAP (Mouvement d’Action Paysanne) en 2016 a été motivée par le besoin de mettre en place un système local sensible aux conditions changeantes de la production agroécologique et aux contraintes des petit.e.s producteur.trice.s. Le SPG a été une manière d’aller plus loin qu’un groupe d’achat, puisqu’il permet « que les mangeurs des produits de la ferme s’impliquent beaucoup plus, accompagnent les paysan.ne.s et comprennent ainsi les réalités ». Il permet aussi de pérenniser un marché local, source de débouchés.

La dynamique inter-associative du SPG de la ferme Arc-en-Ciel est née en 2016 grâce à une série de rencontres et ateliers initiée au cours d’un premier week-end organisé à la ferme en 2014, où une trentaine d’acteurs se sont réunis pour en discuter – producteur.trice.s, mangeur.euse.s, un intervenant de N&P France, et Eva Torremocha, spécialiste internationale des SPG. Pendant ce premier weekend, il en est ressorti que tous les participant.e.s voulaient se réapproprier le système alimentaire. Le SPG est un bon moyen pour y arriver en comprenant les réalités des paysan.ne.s et des mangeur.euse.s afin de pouvoir améliorer les pratiques agricoles des uns et les comportements alimentaires des autres.

Dans tous les cas, les SPG certifient moins le produit que la démarche globale des producteur.trice.s, qui travaillent sur l’autonomie des fermes et la réappropriation des filières biologiques.

LE SPG, UN OUTIL QUI S’ADAPTE AUX BESOINS LOCAUX 

Edgar Alanoca explique comment faire partie d’un SPG : « Quand un.e producteur.trice veut certifier sa ferme via le SPG, une équipe d´évaluateurs locaux va sur le terrain et élabore, en concertation avec le.la producteur.trice un plan de transition vers la durabilité sur la base d’un compromis, des principes de la charte, et des conditions initiales de l’exploitation ».

Comme le constate Serge Peereboom, « l´idée est d´accompagner le producteur à court, moyen et long terme pour mettre en place des solutions de transition. Chaque groupe va trouver une solution pour chaque cas particulier ».

Ainsi, les SPG sont des outils capables de résilience et d’adaptation. Comme explique Mathilde Roda, « le contrôle du label est basé sur une charte et non sur un cahier des charges. Il n’y a donc pas une seule manière de répondre à l’idéal qui est promu : il est décliné de manière différente dans chaque situation ». L’aspect participatif est très important. Par exemple, la charte définit le bien-être animal comme un élément essentiel et cette philosophie est suivie par tous les acteurs, où l’écornage des vaches n’est pas souhaité. Or, « si dans une ferme il y a une vache qui se fait blesser par les autres, le suivi du principe de bien-être animal permettrait une conversation au sein de SPG pour traiter la question ». Le respect de la charte est vérifié lors des visites de groupes de consommateur.trice.s et de producteur.trice.s :  un lieu d’échanges sur l’évolution de la ferme dans les objectifs de la charte.

QUEL REGARD INSTITUTIONNEL ?

Pour la Coalition contre la faim, l’un des principaux défis de ces systèmes réside dans « leur capacité à pérenniser des sources de financement, via un soutien des Etats et/ou la participation des bénéficiaires ».

En Bolivie, l’AOPEB a été pionnière dans l’institutionnalisation de ce système à l’échelle nationale, inspirant ainsi des expériences similaires au Pérou et au Brésil : « Depuis 2012, il y a une norme technique nationale qui reconnaît la valeur des SPG » explique Edgar Alanoca. En outre, « partout en Bolivie, des gouvernements municipaux peuvent être intermédiaires de ces dispositifs, créant des systèmes qui peuvent impliquer jusqu’à 400 petits producteurs ».

En Belgique, cette institutionnalisation est encore loin d’être acquise. La Région wallonne a reconnu les SPG comme un outil permettant de rassembler les producteur.trice.s et les consommateur.trice.s. Comme le constate Serge Peereboom, « c’est déjà un excellent premier pas mais, ils ne le voient pas encore comme une alternative à la labélisation bio qui a été malheureusement récupérée par l’agro-industrie. »

VISIBILISER LES SPG : LE DEFI POUR l’AVENIR

En Bolivie, « augmenter la visibilité de l’agriculture biologique chez les consommateurs est désormais un des principaux leviers d’action. À travers l’AOPEB, les producteur.trice.s sont aussi des acteurs politiques. Le contexte de crise sanitaire permet, en outre, de montrer que l’agriculture familiale et biologique est davantage consciente de la santé de la population et de la Terre ».

En Belgique, comme le constate Mathilde Roda, les particularités d’un SPG, notamment le suivi d’une philosophie plus que d’un cahier de charges, contrairement aux autres labels, leur ont permis de garder une identité au sein du bio. Ainsi, « ce qui était un défi à l’époque est devenu une opportunité ». En effet, « entre 2019 et 2021, il y a eu un boom de la reconnaissance du label SPG de N&P ». Maintenant, comme de l’autre côté de l’Atlantique, les défis tournent autour, de la communication : « faire en sorte que le consommateur sache ce que veut dire le SPG et qu’il va plus loin que les labels classiques. »

Quels que soient les défis, « la question des revenus des producteur.trice.s ou de l’égalité de genre sont des enjeux qui peuvent se discuter. Il faut réfléchir ensemble au sein du SPG et appliquer les solutions qu´on a déjà. Avoir le courage d’appliquer la dignité pour les paysan.ne.s ! », conclut Serge Peereboom.

Rédactrice : Julia Gallardo Gómez

Cet article est tiré du Supporterres n°16 « Mieux produire, mieux se nourrir. Pour des systèmes alimentaires durables. »

Mieux produire, mieux se nourrir

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