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En Afrique subsaharienne, le taux de scolarisation continue d’augmenter, avec comme objectif l’accès à l’éducation pour tous. Les populations rurales rencontrent de nombreuses difficultés pour scolariser leurs enfants : établissements éloignés et vétustes, manque de moyens, enfants réquisitionnés aux champs. Et ceux qui y accèdent tournent le dos au secteur agricole. Comment réconcilier les jeunes et l’agriculture ?
L’éducation en zone rurale devrait systématiquement intégrer l’agriculture au sein de ses programmes
Dans un rapport sur l’emploi des jeunes au Sénégal, on peut lire que « les jeunes qui ont réussi à s’intégrer durablement dans le secteur agricole sont ceux qui ont un faible niveau d’instruction parce qu’ils “n’ont pas le complexe du bureau » ». Autrement dit : ceux qui fréquentent l’école, le font généralement pour accéder à un poste de fonctionnaire, et certainement pas pour retourner dans les champs. Par conséquent, si les jeunes ruraux tournent le dos à l’agriculture, les jeunes ruraux éduqués s’en éloignent plus encore. Et c’est logique : inscrire un enfant à l’école est perçu comme un investissement en temps et en argent. Pendant sa scolarisation, l’enfant n’apprend pas les compétences pratiques liées à l’agriculture. Revenir sur l’exploitation familiale n’aurait pas de sens ou serait perçu comme un échec : il/elle aurait pu s’y mettre tout de suite !
L’accès au savoir est pourtant primordial à la prospérité de toute activité, y compris dans l’agriculture.
L’éducation de base apporte les compétences nécessaires pour pouvoir bien gérer une exploitation agricole (calcul, lecture, gestion…). Ces compétences sont indispensables pour accéder à l’information, et aux nouvelles technologies (NTIC) qui arrivent à grande vitesse partout en Afrique. Elles plaisent particulièrement aux jeunes et leur offrent de nombreuses possibilités en termes d’accès à l’information, aux services financiers ou encore aux marchés. Les NTIC sont aussi un moyen de réseauter. L’éducation profite donc à toute activité agricole.
Autre facteur de clivage : l’image de l’agriculture. Dans de nombreuses régions d’Afrique (et même ailleurs), les activités agricoles sont dévalorisées et même utilisées comme punition. Cultiver est, par ailleurs, vu davantage comme une nécessité liée à un mode de vie (pas forcément choisi) que comme un métier à part entière.
Modifier cette image et la revaloriser est donc fondamental si l’on veut attirer les jeunes dans le secteur agricole. Et l’école pourrait participer à cette revalorisation. Dans cette optique, il existe quelques projets de jardins et potagers scolaires ou encore de valorisation des produits locaux mais ils demeurent encore ponctuels. Il faudrait que l’éducation en zone rurale s’adapte et intègre systématiquement l’agriculture dans ses programmes.
Si l’éducation peut contribuer à changer les mentalités, elle ne peut, à elle seule, modifier complètement l’image de l’agriculture. En pratique, celle-ci reste une activité pénible, peu rentable et peu reconnue. Si les conditions de vie des paysan·nes ne changent pas, elles continueront de décourager les jeunes en quête d’un avenir meilleur.
La revalorisation du secteur agricole passe aussi par un soutien politique réel en vue d’améliorer les conditions de travail, de protéger les marchés, de fournir des appuis techniques, des infrastructures correctes. Pour ce faire, l’agriculture doit être reconnue comme un métier à part entière par les États qui doivent mettre en place les conditions pour améliorer son attractivité. Cela nécessite d’y injecter des fonds.
Les Etats africains se sont engagés en 2003 dans le cadre de l’Accord de Maputo à consacrer 10% de leur budget national à l’agriculture. Dix ans plus tard, seuls 8 pays sur les 54 de l’Union africaine ont respecté cet engagement.
L’exode des jeunes ruraux vers les villes peut être limitée, voire évitée. Cela passe par l’intégration des savoirs et savoir-faire paysans dans les programmes scolaires. Mais il faudra aussi une volonté politique de dédier des moyens au secteur agricole. C’est à ce prix que les jeunes se réconcilieront avec l’agriculture.
Rédaction : Noémie Lambert, volontaire
Cet article est tiré du Supporterres n°4 de juin 2018 « Jeune & agriculteur : une équation possible ? ». Pour en savoir plus, découvrez le numéro complet.